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Histoire vraie
S’inspirant d’un cas édifiant de harcèlement sexuel en politique, qui a secoué l’Espagne au début des années 2000, la cinéaste décompose avec une précision glaçante la mécanique du pouvoir et de la violence patriarcale.
La situation exposée dans l’Affaire Nevenka permet d’illustrer de manière très fine et concrète le genre de rapports torves qui peuvent se créer dans un contexte où l’ambition professionnelle et les rapports de séduction ne tardent pas à dérailler gravement. C’est ce qui est arrivé à la jeune diplômée en économie Nevenka Fernández, issue de la bourgeoisie conservatrice locale, quand elle est élue, en 1999, conseillère municipale de Ponferrada, dans la province du León en Espagne, durant la mandature du maire Ismael Álvarez, membre éminent du Partido popular (PP), situé à droite. D’abord ravie de rejoindre l’équipe municipale, puis rapidement propulsée à un poste clé sur les financements de projets, elle est aussi rapidement courtisée par Álvarez, par ailleurs ami de ses parents.
Liquidation psychologique
Elle finit par coucher avec lui un certain nombre de fois, ce qui l’autorise ensuite à la tenir pour une maîtresse disponible dont il ne comprend pas qu’elle veuille mettre un terme à une relation qu’elle ne désirait pas. Le maire, fraîchement veuf, joue le chaud et le froid, la flatte, la harcèle, s’excuse, lui hurle dessus. L’entourage, pas mécontent que la jeune ambitieuse trébuche, se range du côté du chef et organise peu à peu la liquidation psychologique de Nevenka Fernández, isolée et méprisée. Quand elle finit par porter plainte et dénoncer les faits par une conférence de presse, immédiatement s’impose le clivage entre les soutiens (surtout féminins) et les insultes (le maire mobilise ses troupes autour de lui et un électorat qui juge que la conseillère municipale exagère et l’a sans doute bien cherché).
L’histoire a eu un fort retentissement en Espagne puisque la condamnation d’Álvarez, en 2003, et sa démission étaient une première dans un pays encore marqué par un fort machisme. Un carton à la fin du film indique que la victime n’a, elle, jamais retrouvé de travail dans son pays. Après le livre de Juan José Millas (Une histoire de harcèlement, l’affaire Nevenka, 2006), le documentaire en trois épisodes (sur Netflix) de Maribel Sánchez-Maroto (2021), la fiction d’Icíar Bollaín avec Mireia Oriol prolonge ce travail de définition des contours de l’emprise, et la réalisatrice espagnole le fait avec une sécheresse et une précision qui permet d’entrer de plain-pied dans cette mécanique de pouvoir et d’affects qui repose sur la permanence de l’inégalité de genre, et c’est d’autant plus flagrant qu’elle agit ici dans un milieu aisé de gens qui s’estiment globalement au-dessus du lot.
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