:quality(70):focal(2527x1588:2537x1598)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/ZNGWIVMBXNDC5I3CQ3U27EZOUM.jpg)
Invité de l’émission «Face à BFM» lundi 18 novembre, le président du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella était interrogé sur les fameuses «brebis galeuses» – en l’occurrence ces nombreux candidats d’extrême droite aux dernières élections législatives qui ont embarrassé le parti, que ce soit par des propos haineux ou par un passé judiciaire encombrant. A la question «Est-ce qu’il faudra un casier vierge, désormais, pour être candidat du RN ?» Bardella s’est fendu d’une réponse étonnante à plusieurs titres : «C’est toujours la politique que nous avons suivie. A la différence près que quand les faits ont trente ans, certains ne figurent pas sur le casier judiciaire. Et donc il y a des gens qui, par duperie, dissimulent un passé qui n’a pas été affiché sur le casier judiciaire en question. Donc, ne pas avoir de condamnation à son casier judiciaire est pour moi une règle numéro 1 lorsqu’on souhaite être parlementaire de la République.»
Premier motif d’étonnement : le contexte dans lequel intervient cette déclaration, alors que le parquet vient de requérir cinq mois de prison, dont deux ferme, assortis d’une peine d’inéligibilité à effet immédiat contre Marine Le Pen, dans l’affaire des assistants parlementaires européens du FN. Relancé sur ce point, Bardella tente de se rattraper : «Evidemment que ça vaut pour tout le monde, mais Marine Le Pen est innocente», assure-t-il, impliquant que la ou les décisions à venir ne sauraient être que plus clémentes.
Des trous dans la raquette
Mais il y a les verdicts pas encore tombés et les casiers judiciaires déjà remplis. Et c’est là le second point d’interrogation. Car à en croire Jordan Bardella, cette règle de ne pas investir un candidat condamné par le passé serait effective de longue date. Si tel était le cas, force est de constater de nombreux trous dans la raquette : plusieurs contre-exemples existent, et pas des moindres.
Ainsi, le casier de Catherine Griset, ancienne candidate aux législatives de 2012, députée européenne réélue en 2024, comporte une mention après une condamnation du tribunal correctionnel d’Annecy, en 2006, à 3 000 euros d’amende pour entrave à l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou contrôleur du travail et exécution d’un travail dissimulé.
Wallerand de Saint-Just, conseiller régional d’Ile-de-France depuis 2015 et réélu en 2021, a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris en octobre 2021 à 500 euros d’amende avec sursis pour diffamation. A cela s’ajoute une confirmation en appel en mars 2023 dans l’affaire dite des «kits de campagne», à six mois de prison avec sursis et une peine d’inéligibilité de deux ans pour recel d’abus de biens sociaux.
Multiples condamnations
Louis Aliot, actuel maire de Perpignan, ancien député européen, a quant à lui été condamné par la cour d’appel de Versailles en janvier 2011 à 1 000 euros d’amende avec sursis pour complicité de diffamation. Marine Le Pen a écopé de 1 500 euros d’amende, à la même date, pour les mêmes faits. En l’espèce, ils ont été jugés complices de Jean-Marie Le Pen, déclaré coupable de diffamation publique envers Christian Baeckeroot, ancien élu frontiste.
A ce propos, Jean-Marie Le Pen a essuyé de multiples condamnations à partir des années 1990, qui ne l’ont pas empêché de se présenter aux élections présidentielles de 2002 et 2007. En 1998, par exemple, il est condamné par la cour d’appel de Versailles à trois mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité pour «violences sur personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions», en l’occurrence la candidate socialiste Annette Peulvast-Bergeal. A noter que dans le cas d’une condamnation à une peine d’amende, un effacement automatique des mentions intervient après trois ans à compter du paiement de l’amende.
Aucune exigence explicite d’un casier vierge au RN
En règle générale, en France, il n’est pas nécessaire de présenter un casier judiciaire vierge pour être candidat ou candidate à une élection, qu’il s’agisse d’une élection locale, législative ou présidentielle. Pour être empêché de se présenter, il faut être frappé d’une peine complémentaire d’inéligibilité, devenue obligatoire en 2016 sur un certain nombre d’infractions comme la prise illégale d’intérêts ou la corruption. Une peine complémentaire qui, en vertu de l’individualisation des peines, n’est pas automatique, le tribunal pouvant choisir de ne pas l’appliquer via une décision «spécialement motivée».
Dans le cas du RN, aucune exigence d’un casier judiciaire vierge ne figure noir sur blanc dans le règlement intérieur du parti. Néanmoins, un membre du RN, sollicité par CheckNews, nous indique que «le casier a toujours dû être transmis à la CNI». Comprendre la Commission nationale d’investiture, qui est chargée au RN, comme son nom l’indique, d’attribuer les investitures ou les soutiens en période électorale.
De nombreux candidats concernés
Dans l’hypothèse où les casiers judiciaires seraient effectivement transmis à cette instance – comme semble l’indiquer lui aussi Bardella, membre de la Commission en tant que président du RN, qui assure sur BFM, évoquant le cas d’une candidate aux législatives, que sa «condamnation judiciaire» n’était «pas inscrite dans le casier que moi on me donne» –, comment expliquer que plusieurs personnalités condamnées aient pu se présenter ?
Sollicités à de multiples reprises ce mardi, ni les communicants du parti ni les membres de la commission d’investiture contactés n’ont donné suite. Ironie de l’histoire : la commission nationale d’investiture est elle-même composée d’au moins trois membres dont le casier judiciaire comporte ou a comporté des mentions, en l’occurrence Marine Le Pen, Louis Aliot et Wallerand de Saint-Just.
Leave a Comment