Pour la première fois, un ex-agent de la Stasi condamné à 10 ans de prison pour le meurtre d’un Polonais en 1974

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Mur de Berlin, trente ans aprèsdossier

C’est un long procès qui se referme ce lundi 14 octobre avec la condamnation inédite d’un ancien membre de la police politique de la RDA. Le tribunal allemand a attribué dix ans de prison pour avoir tué un Polonais qui voulait fuir à l’ouest, il y a 50 ans.

Une date à marquer d’une pierre blanche. Le tribunal de Berlin a condamné ce lundi 14 octobre, Martin Naumann, âgé de 80 ans, à dix ans de prison pour le meurtre d’un civil Polonais pendant la guerre froide. L’ancien agent de la police politique de la RDA communiste, la Stasi, avait tiré dans le dos de Czeslaw Kukuczka, alors qu’il tentait de s’enfuir par le poste-frontière de Friedrichstrasse, à Berlin en 1974. Un verdict historique puisque c’est la première fois qu’un ex-agent de la Stasi est reconnu coupable de meurtre.

Czeslaw Kukuczka, qui rêvait d’une vie dans le «monde libre», est l’une des 140 personnes au moins, qui ont trouvé la mort entre 1961 et 1989 en voulant franchir le mur. Le 29 mars 1974, cet employé d’une entreprise du BTP avait fait irruption à l’ambassade polonaise de Berlin-Est, avec une fausse bombe pour forcer son départ vers l’ouest. Alertée par la Pologne, la police politique allemande lui a alors fait croire que sa demande de transfert avait été approuvée. Mais au moment où l’homme pensait avoir réussi à franchir deux contrôles, l’agent Naumann l’avait abattu. Un acte, rappelle der Spiegel, qui lui avait valu les éloges de sa hiérarchie, qui saluait en 1980 «son attitude et ses actions intransigeantes», et la médaille de bronze de combat «pour services redus au peuple et à la partie».

30 ans, l’âge mur

Même si elle a reconnu que Martin Neumann avait exécuté un ordre, la procureure générale Henrike Hillmann a aussi jugé qu’il avait clairement agi avec l’intention de tuer, alors qu’il aurait pu simplement blesser le fugitif. Tout comme elle a reproché à l’accusé, 31 ans à l’époque, d’avoir profité de l’état de vulnérabilité de sa victime qui se croyait à ce moment-là en sécurité. De quoi justifier à ses yeux son inculpation pour «meurtre», chef d’accusation non soumis à la prescription.

Lors du procès, la Cour a émis «la conviction indubitable», que Martin Naumann était l’auteur des coups de feu qui ont coûté la vie au fugitif de 38 ans. Même si l’accusé n’a pas agi «par motif personnel», il a «exécuté sans pitié» un acte «planifié par la Stasi», a tranché Bernd Miczajka, le président du tribunal. Le parquet allemand avait requis douze ans de prison contre l’ancien lieutenant, aujourd’hui retraité. L’intéressé a rejeté l’accusation par la voix de ses avocats, qui demandaient son acquittement. Mais celui-ci ne s’est jamais exprimé devant les juges.

Une «grande signification symbolique»

Selon Daniela Münkel, responsable des archives de la Stasi à Berlin, Martin Naumann devient avec cette condamnation le premier ancien agent de la police secrète du régime communiste à être reconnu coupable de meurtre. Ce procès, enregistré du fait de sa valeur historique, est l’aboutissement d’une longue enquête menée conjointement avec la justice polonaise. Une enquête déclenchée en 2016, par la découverte de nouvelles informations par deux historiens allemand et polonais dans les archives de la Stasi, liant Martin Naumann à la mort du fugitif, et l’émergence de nouveaux témoins potentiels. Depuis son lancement en mars 2024, le procès a replongé le pays au temps de la Guerre froide, période durant laquelle l’Allemagne fut scindée en deux par le rideau de fer entre RFA à l’ouest et RDA à l’Est.

Ce procès est d’une «grande signification symbolique» et cristallise les efforts de l’Allemagne pour faire payer les injustices de la dictature communiste de la RDA, avait confié Daniela Münkel avant le verdict. Les trois enfants de Czeslaw Kukuczka se sont constitués partie civile et l’avocat de sa fille, Hans-Jürgen Förster, qui considère l’accusé comme «le dernier maillon d’une chaîne de commandement», a déposé une requête pour que l’enquête soit élargie à toutes les personnes décorées par le régime pour la mort du fugitif.

Au cours des années 1990, 251 personnes au total ont été accusées de crimes commis pour le compte de la Stasi, selon les archives du gouvernement. Mais pour les deux tiers d’entre elles, dont de nombreux exécutants tels que les gardes-frontières, la procédure s’est soldée par un acquittement ou un abandon des charges. Seules 87 personnes ont été condamnées, la plupart à des peines légères. Même Erich Mielke, à la tête de la Stasi de 1957 à 1989, n’avait pas été condamné pour ses activités, faute de charges suffisantes. Il s’était toutefois vu infliger six ans de prison le 26 octobre 1993 pour le meurtre de deux policiers en 1931, quand il était un jeune militant communiste.

Libération

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