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Mercredi pages jeunes
Les premières années de l’avocate dans la bande dessinée d’Annick Cojean et Sandrine Bonini.
Si on n’est pas assez grand pour connaître ou lire Gisèle Halimi, l’album BD Moi, Gisèle, signé Sandrine Bonini et Annick Cojean, est tout désigné pour se familiariser avec son personnage. L’objectif n’est pas tellement de représenter de façon exhaustive les premières années de vie de l’avocate, mais plutôt d’en relater des moments biographiques saillants. Chacun délivre une leçon, un enseignement concernant l’injustice, le consentement ou la liberté des femmes. Annick Cojean, grand reporter au Monde, célèbre à nouveau la vie de son amie après avoir écrit avec elle son dernier ouvrage avant sa mort, Une farouche liberté (Grasset, 2020). L’univers graphique chatoyant de Sandrine Bonini l’accompagne pour mettre en scène la petite Gisèle. Pleine d’énergie et d’humour, elle n’entend pas se laisser faire et appelle le lecteur à en faire de même, à hauteur d’enfant.
«Mon premier morceau de Liberté»
Le poing levé, Gisèle se définit comme «Indignée !», «Révoltée !» et «Libre !» au début de l’album. Tout un programme pour la petite fille. Elle le met à exécution et ne cesse de remettre en question les principes familiaux bien établis. Lorsqu’elle remarque que ses frères sont beaucoup moins sollicités qu’elle pour l’aide aux tâches ménagères, Gisèle interroge sa mère. Elle lui répond sans équivoque : «Mais voyons Gisèle ! Parce que tu es une fille et qu’ils sont des garçons !» Après une grève de la faim menée sans faille durant trois jours, la protestataire obtient gain de cause. Les corvées seront réparties de manière égale. «C’est ainsi que j’ai gagné mon premier morceau de Liberté !» Un peu plus loin, Gisèle enquête sur un sujet tabou : les règles. Elle compte bien banaliser ce phénomène récurrent et abolir la gêne sociale qu’il suscite. «J’espère que quand mes règles arriveront, je n’éprouverai AUCUNE honte ! Honte ni du sang, ni des serviettes, honte de rien du tout !»
Gisèle lutte aussi pour s’approprier la narration de la bande dessinée. Lorsque les premières cartouches la présentent comme «un modèle d’obéissance», elle les interrompt brutalement. «Qu’est-ce que c’est que cette histoire encore ?» s’insurge-t-elle, tandis qu’elle prend les rênes du récit. Personnel, il relève également de l’universel. Le décor n’est pas celui de la Tunisie natale de l’avocate mais un fond blanc. Aucune case ne le restreint. Des références contemporaines apparaissent ici ou là, comme Naruto, Voldemort ou une cup menstruelle. Présent et passé semblent se confondre dans cet ensemble orange, rose et noir, car la lutte continue aujourd’hui. Aux jeunes lecteurs de prendre la relève.
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