ROMAN. “Ceux du lac”, de Corinne Royer
Dans la banlieue de Bucarest, une cabane détruite et l’exil qui commence pour Sasho et les siens, héros du nouveau roman de Corinne Royer. Quatre artistes complexes et complexés, au cœur de l’ouvrage de Rachel Cusk, réflexion sur la créativité féminine. La réédition dans “La Pléiade” des “Manifestes” du surréalisme, dont on fête le centenaire du premier. Le “Cahier de l’Herne” du grand anthropologue Philippe Descola. Le Chili de la romancière Alia Trabucco Zeran, traversée par les inégalités et les colères. De l’Europe à l’Amérique, du passé au présent, de la littérature à la recherche, les allers-retours sont de mise cette semaine.
Les Serban pourraient être présentés comme des Tsiganes roumains, mais ils ne sont ni d’un pays ni d’une communauté. Le père, veuf, porté sur l’alcool de prune, ses cinq garçons et sa fille unique sont du lac, comme jaillis de ses eaux, à égalité avec les poissons qu’ils pêchent et vont vendre à la ville, à quelques kilomètres de là. C’est d’ailleurs immergé dans l’eau, créature aquatique parmi les autres, que l’on découvre à la première page Sasho, l’aîné des Serban, personnage principal du roman de Corinne Royer.
La transformation, financée par l’Union européenne, du “delta de Vacaresti” en “réserve naturelle pédagogique” les force à quitter leur cabane pour une HLM du quartier de Ferentari, à Bucarest – où Sasho reproduit le mouvement de la nage à plat ventre sur deux chaises. Les voilà comme des poissons hors de l’eau, mais contraints de s’adapter.
Ceux du lac est un texte habité par la ferveur, d’une grâce et d’une vitalité singulières. Corinne Royer ne croit pas à la distinction entre les humains et la nature, et l’on retrouve cette conviction dans sa manière de mêler en son texte des éléments supposés contraires : la prose du récit et la poésie d’intermèdes écrits dans un train par Sasho, les faits et les rêves, le merveilleux et le sordide, l’histoire politique d’un pays et son imaginaire. R. L.

ROMAN. “Parade”, de Rachel Cusk
Ils sont quatre artistes. Tous désignés par l’initiale G. Le premier est un peintre qui, un jour, prenant le parti d’“inverser les représentations”, retourne ses toiles et les signe à l’envers. Lorsqu’il se peint avec sa femme, tête en bas, elle pense qu’il dévoile la cruelle vérité de leur couple “bourgeois, vieillissant, piégé jusqu’à la mort dans sa servitude impie et volontaire”. G numéro 2, peintre et sculptrice, crée comme si elle était constamment en train “de fuir ou de prouver quelque chose”. G numéro 3 médite sur le “combat ouvert” entre créer et procréer. Enfin, quand la mère du quatrième G meurt, ce dernier, écrivain et scénariste, revient sur la vie de cette femme : elle n’aura été qu’“invention” et “construction”, elle l’aura “privé [lui] d’une assise dans la réalité”. Alors pourquoi passe-t-il lui aussi son temps à créer de la fiction ?
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