A Lille, les arguments improbables d’une cathédrale pour annuler la venue du chanteur Izae, à l’apparence «androgyne»

A Lille, les arguments improbables d’une cathédrale pour annuler la venue du chanteur Izae, à l’apparence «androgyne»

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L’archevêque de la capitale des Flandres a décommandé l’artiste qui devait faire la première partie du concert de Thierry Amiel, le 8 décembre, dans la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille. Son apparence et le contenu de ses textes ont motivé l’annulation, ce que l’Eglise peine à démentir.

Avec ses tenues de dandy piquetées de strass et ses ballades qui parlent d’amours homosexuelles, Izae a de quoi offusquer les esprits homophobes. Le chanteur devait faire la première partie de l’ex-de la Nouvelle Star Thierry Amiel dans l’enceinte de la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille le 8 décembre. Mais le 18 novembre, Izae annonce sur ses réseaux sociaux que l’archevêque a annulé sa venue. L’artiste a «une identité marquée» et ses engagements en faveur de la cause LGBT pourraient «choquer» les fidèles, estime le recteur de la cathédrale, le père Bruno Mary. «C’est un lieu de culte, je comprends», répond le chanteur à Libération. «Mais je ne suis pas Marilyn Manson non plus !»

«C’est la première fois que la venue d’Izae pose un problème», déplore son manager, Thomas Fournier Galle. Depuis un an, le chanteur fait les premières parties de Thierry Amiel. Tous deux ont déjà écumé plusieurs salles de concert, et même quelques lieux de cultes, sans qu’il n’y ait de problème. «Pour cette date, nos discussions avec les organisateurs se passaient très bien au départ», se remémore le producteur. En juillet, le diocèse avait accepté d’accueillir le concert de Thierry Amiel au sein de la cathédrale, la production du chanteur spécifiant dans la convention qu’il y aurait «une première partie piano voix». Le 4 octobre, la venue d’Izae est confirmée.

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L’annonce engendre une phase de vérification que le producteur qualifie de «plutôt humiliante». La tenue de l’artiste est vérifiée, et ses textes passés au crible. Celui-ci fait plusieurs allers-retours pour ajuster le programme de la soirée afin que celui-ci convienne aux organisateurs, quitte à modifier ou ôter certaines chansons. Il garantit que l’artiste portera une «tenue sobre» pour l’événement. Mais cela n’est pas suffisant. A la fin du mois d’octobre, «l’archevêque veut finalement tout annuler», raconte Thomas Sanchez, responsable culture et communication de la cathédrale. Après réflexion, l’archevêque concède le maintien de l’événement, à condition que la première partie soit supprimée.

Une foultitude d’arguments

Contacté par Libération, le père Bruno Mary, recteur de la cathédrale, assure que l’orientation sexuelle et l’apparence du chanteur ne sont pas en jeu, mais tout de même : la cathédrale «est d’abord un lieu de culte». La présence d’une personne LGBT «peut choquer certains catholiques. […] Ce n’est pas un procès contre eux [les personnes LGBT, ndlr] mais ça n’aide pas la cause de choquer ou de polémiquer», ose l’homme d’église. Il regrette d’avoir été informé trop tardivement de la programmation, n’avoir pas pu en discuter avec le chanteur et son producteur, et refuse de céder «sous la pression». Même si la personnalité du chanteur est «contestable et contestée, elle est ce qu’elle est», appuie-t-il.

Les arguments sur la crainte d’une réception hostile épuisés, voilà venir celui du calendrier : «C’est déjà exceptionnel que l’on accepte des concerts le dimanche.» Le 8 décembre sera effectivement le «jour du Seigneur» mais aussi «la fête de l’immaculée conception», renchérit Thomas Sanchez. «Izae a un univers marqué, ses propos n’ont pas tellement de liens avec le lieu. Les concerts qui se déroulent dans la cathédrale doivent respecter la sacralité de la cathédrale», ajoute le programmateur, qui regrette de ne pas avoir pu trouver un terrain d’entente, assurant que le lieu appartient à un diocèse ouvert, «ni de gauche ni de droite», qui veut «rassembler».

«J’allais interpréter un morceau qui parle d’hypersensibilité»

Izae suggère que son apparence androgyne, qui lui «colle à la peau depuis toujours», puisse être en cause. «Le simple fait que je sois moi a pu les déranger», estime-t-il. Dans l’un de ses derniers morceaux (Embrasser ce garçon), il dénonce l’homophobie : «C’est peut-être ça qui leur a posé problème», continue-t-il. Il se disait pourtant prêt à s’adapter au lieu pour ne pas heurter, troquant ses «chaussures à paillettes» pour une tenue plus sobre. «J’allais interpréter un morceau qui parle d’hypersensibilité», confie-t-il. «Mon but n’était pas de choquer !»

Ce n’est pas la première fois que les passions se déchaînent au sujet d’un concert dans un lieu de culte. En 2023, Bilal Hassani avait subi de vives pressions alors qu’il devait se produire dans l’église Saint-Pierre-aux-Nonnains à Metz. L’événement avait finalement été annulé après des menaces d’attentat. De son côté, Izae a reçu une vague de soutien, dont une publication du chanteur Thierry Amiel qui dénonce «les voix conservatrices» qui l’empêche de se produire à Lille, déplorant «l’intolérance de cette réaction». Izae envisage peut-être de faire une première partie alternative ailleurs. «Hâte de faire d’autres dates pour célébrer nos différences», conclut-il.

Libération

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