Sortir d’une vision capitaliste et coloniale du monde, par Penda Diouf

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Le continent africain est celui qui émet le moins de gaz à effet de serre, hormis l’Océanie, et pourtant sa population sera largement affectée par la montée des eaux et les grandes sécheresses. Force est de constater les disparités liées à une histoire coloniale, explique l’écrivaine et comédienne.

Jeunesse, biodiversité, justice, décolonialisme… Toute l’année, Libé informe sur les enjeux de l’urgence écologique à travers une série d’événements gratuits et grand public. L’objectif : trouver des solutions concrètes au plus proche des territoires. Cinquième étape du Tour 2024 : Marseille, le samedi 19 octobre (entrée libre sur inscription). Un rendez-vous réalisé avec le soutien de la ville de Marseille, le Mucem et la Citadelle de Marseille, et en partenariat avec le Crédit Coopératif, l’Ademe, le groupe VYV, le groupe SOS, Asics, la Fondation Jean-Jaurès, Greenpeace, Oxfam, la Forêt des Possibles, le Lierre, Médiatransports, Pioche ! Magazine, Vert, le média et BFM Marseille. Entrée gratuite sur inscription.

L’écologie n’a pas été inventée par les pays occidentaux et ils ne sont pas les seuls à la pratiquer. En revanche, ce sont bien eux les premiers pollueurs. Et ils ne se contentent pas de polluer chez eux puisqu’ils contaminent l’ensemble de la planète, et ce depuis des siècles. Comme dans d’autres domaines, les rapports de domination créent un «deux poids deux mesures» intolérable et l’écologie n’est évidemment pas épargnée.

On le sait, la période d’industrialisation du XIXe siècle a provoqué de grands bouleversements environnementaux en partie liés aux manufactures, à l’exode rural et à l’urbanisation. Dans les colonies, les terres sont accaparées par le pouvoir en place et pressurisées pour obtenir un maximum de rendement dans les plantations agricoles. La terre n’a aucun répit, n’a plus le temps de respirer. Les ouvriers agricoles non plus, qui cultivent une terre qui ne leur appartient plus. Des céréales, introduites par l’Occident, remplacent ainsi toute une pluralité d’aliments traditionnels. La population doit alors apprendre à vivre avec des cultures exogènes et un écosystème complètement détraqué qu’elle ne maîtrise plus. L’alimentation change. Les prix augmentent. Tout cela au profit des pays colonisateurs sans que la population locale puisse en profiter et goûter au fruit d’un dur labeur. Est-ce que l’écologie est possible dans un système capitaliste lorsque l’asservissement et l’exploitation de l’autre, qu’il soit humain ou non humain, sont une condition sine qua non de la survie du système ? Aujourd’hui, plusieurs départements français ont des problèmes liés à la sécheresse. A Mayotte, les problèmes d’accès à l’eau potable s’accentuent depuis plusieurs années. L’eau du robinet est rationnée plusieurs jours par semaine quand le prix de l’eau en bouteille s’envole. Les risques sanitaires augmentent, entraînant un risque accru d’épidémies.

Aux Antilles, le chlordécone, pesticide utilisé pour lutter contre les charançons des bananiers, est répandu dans les plantations avant d’être interdit en 1993. Pourtant dès 1960, les études s’inquiètent à la suite des tests sur des souris. En 1970, le pesticide est interdit aux Etats-Unis. En 1979, l’Organisation mondiale de la santé émet les premières alertes. En 1990, le produit est interdit en France. Mais pas sur tout son territoire puisqu’une dérogation, malgré la dangerosité du produit, est faite pour les Antilles. Le pesticide a contaminé les sols et l’eau de façon durable et est responsable de nombreux cancers de la prostate et d’anomalies pendant la grossesse. Le 29 février 2024, l’Assemblée nationale légifère pour la reconnaissance de la «responsabilité de l’Etat dans l’affaire du chlordécone». En attendant, un tiers des exploitations agricoles et la moitié des ressources en eau douce ont été contaminés dans ces anciennes colonies devenues départements.

Hormis l’Océanie, le continent africain est celui qui émet le moins de gaz à effet de serre. C’est pourtant sa population qui sera largement affectée par la montée des eaux et les grandes sécheresses. Force est de constater les disparités liées à une histoire coloniale.

Une autre façon d’envisager l’écologie est possible. Il faut se tourner vers les travaux de Malcom Ferdinand ou Arturo Escobar. Il faut se tourner vers des communautés qui tissent d’autres relations au vivant, plus harmonieuses et sans hiérarchies. Il faut repenser le rapport entre l’humain et les autres vivants et sortir d’une vision capitaliste et coloniale du monde. Il faut envisager d’autres récits où les humains sont poreux à leur environnement ainsi qu’à l’invisible, héritiers de savoir-faire ancestraux respectueux du cycle des saisons. Il faut choisir ensemble un usage responsable, commun et durable des terres et des ressources, s’inspirer de méthodes qui fonctionnent à petite échelle.

Le monde est sensible et en constante mutation. Il faut créer des liens de solidarité entre tous les habitants humains et non humains dans un cercle vertueux. La Terre qui nous héberge mériterait un autre rapport que celui de l’asservissement.

Libération

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