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Les institutions internationales dénoncent la baisse tendancielle de l’acheminement de l’aide à Gaza, et l’interruption totale, pendant environ douze jours, des flux via les points d’accès nord du territoire.
L’inquiétude quant à la situation humanitaire à Gaza a pris, depuis la fin de semaine dernière, une dimension diplomatique. Dans une lettre adressée dimanche 13 octobre aux ministres israéliens de la Défense et des Affaires stratégiques – consultée par plusieurs titres de presse internationaux – les ministres étasuniens des Affaires étrangères et de la Défense ont déploré que la quantité d’aide livrée à Gaza «ait chuté de plus de 50 %» depuis le printemps. Selon les deux ministres, «près de 90 % des mouvements humanitaires entre le nord et le sud de Gaza» auraient été «refusés ou entravés» en septembre. La lettre dénonce «le maintien de restrictions lourdes et excessives sur les biens à double usage» (lampes solaires, kits de dessalement, susceptibles d’être utilisés au bénéfice des combattants du Hamas), et «l’instauration de nouveaux contrôles et d’exigences onéreuses en matière de responsabilité et de douanes pour le personnel et les expéditions humanitaires». En l’absence d’amélioration significative de l’aide humanitaire dans un délai de trente jours, les Etats-Unis menacent Israël de suspendre une partie de leur assistance militaire.
Cette mise en garde inédite intervient alors que les ONG, médias, et institutions internationales dénoncent depuis plusieurs jours l’arrêt de toute aide humanitaire dans l’enclave. Le 11 octobre, l’ONU allait jusqu’à évoquer un «point de rupture» : «les lignes d’aide vitale vers le nord de Gaza ont été coupées et aucune aide alimentaire n’y est entrée depuis le 1er octobre», dénonçait le porte-parole adjoint de l’organisation internationale, Farhan Haq, citant des informations du Programme alimentaire mondial. Le même jour, CNN publiait un article évoquant un risque de famine pour un million de personnes.
Ce blocage est venu alimenter la crainte de nombreux observateurs du conflit, de la mise en place par Israël du «plan des généraux», ou «plan Eiland». Cette option stratégique radicale viserait à évacuer le nord de l’enclave, avant d’y imposer un siège strict, sans eau ni nourriture, afin de forcer les derniers combattants du Hamas à se rendre. S’il devait être appliqué, ce plan, que les autorités ont reconnu avoir discuté, mais qui n’a jamais été formellement officialisé, ferait craindre le pire pour les civils n’ayant pas quitté la zone.
En octobre, de nombreux jours d’affilée sans aucune aide
Les données disponibles indiquent, de fait, une baisse significative de l’aide à Gaza depuis le printemps, et confirment la quasi-absence d’entrée pendant les premiers jours d’octobre, au cours desquels Tsahal a ordonné l’évacuation du nord, et lancé une violente offensive sur la ville de Jabalia. Ainsi, le 1er octobre, 31 camions d’aide (de nature non précisée) auraient franchi le point d’Erez, au Nord, contre 135 par le sud, pour un total de 3 560 tonnes. Pour les six jours suivants, il n’existe aucune trace d’acheminement d’une quelconque aide humanitaire dans la bande de Gaza. Sur les jours courant du 8 au 10 octobre, environ 5 415 tonnes auraient été acheminées. Selon l’Administration civile israélienne dans les Territoires palestiniens (Cogat), la totalité des 299 véhicules entrés à Gaza sur ces jours étaient entrés par le point de passage de Kerem Shalom, au sud. Aucun n’étant entré par le nord. Accréditant donc l’hypothèse d’une activation, même partielle, du plan redouté.
Le 14 octobre, soit le lendemain de l’envoi du courrier diplomatique, le Cogat a annoncé sur le réseau social X que «30 camions étaient entrés [la veille] dans le nord de Gaza». Plus tard dans la journée, l’agence annonçait que «104 camions d’aide humanitaire étaient entrés à Gaza par les points de passage de Kerem Shalom et d’Erez» (points situés respectivement au sud et au nord de la bande), que «12 camions [avaient été collectés] du côté gazaoui de Kerem Shalom par des organisations internationales», «qu’environ 530 camions d’aide attendaient d’être collectés», et «qu’un convoi de 15 camions est entré dans Gaza directement par la porte 96» (située au sud-est de la ville de Gaza). Deux jours plus tard, soit le 16 octobre, d’autres annonces similaires ont été effectuées par le même canal.
Crossings into northern Gaza:
In order to maximize aid going into Gaza in general and to northern Gaza in particular, we’ve opened two crossings: Erez East and Erez West.
Every day, one of these crossings is open to ensure a continuous flow of aid into northern Gaza.
These two… pic.twitter.com/wQXokPBHjZ— COGAT (@cogatonline) May 19, 2024
Ci-dessus : plan des points d’entrée de l’aide humanitaire, diffusé par le COGAT en mai 2024
Mercredi 16 au matin, l’armée israélienne a à son tour réagi aux critiques en affirmait que «plus de 9 000 tonnes d’aide humanitaire» étaient entrées dans l’ensemble de la bande de Gaza par différents points de passage, et en partie acheminés vers le nord, «depuis le 1er octobre». Déclaration qui occulte le fait qu’aucune aide n’était entrée pendant six jours, et que durant près de deux semaines aucun acheminement n’avait eu lieu via les points d’entrées nord – ainsi que le dénonçaient les agences internationales et les médias.
Surtout, ces 9 000 tonnes sur quinze jours sont dérisoires relativement aux 100 000 tonnes mensuelles acheminées, en moyenne, durant les six mois précédents. Sachant que la tendance depuis le printemps était déjà à une diminution tendancielle de l’aide. Alors que la crise humanitaire ne va évidemment pas en s’améliorant.
Selon les données du Cogat, de plus de 137 000 tonnes d’aide acheminées en avril, on passait à moins de 134 000 en mai, environ 100 000 en juin, 113 000 en juillet, puis de l’ordre de 88 000 sur le mois d’août, et légèrement moins en septembre. Avant donc un effondrement, début octobre.
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