Accusé d’avoir «discrédité» l’armée russe, Alexeï Moskalev avait été condamné en mars 2023 à deux ans d’emprisonnement en raison d’un dessin antiguerre réalisé par sa fille Masha, alors âgée de 12 ans.
Après un long calvaire de presque deux ans, Alexeï Moskalev a enfin retrouvé sa fille Masha. Ce mardi 15 octobre, ce père russe de 56 ans a été libéré après 19 mois de détention dans la colonie pénitentiaire de Novomoskovsk, dans la région de Toula, au sud de Moscou. Le pouvoir russe en avait fait un symbole des supposés «ennemis de l’intérieur». Il avait été arrêté pour un simple dessin de sa fille de 12 ans.
Tout commence près d’un an après le début de l’invasion russe de l’Ukraine lorsque Masha, élève à l’école n° 9 d’Efremov, crayonne une femme brandissant un drapeau ukrainien et protégeant son enfant des missiles russes. Ce dessin retient immédiatement l’attention de la directrice, qui alerte la police. Très vite, le FSB, les services de renseignement russe, s’empare de l’affaire et reproche à Alexeï de mal éduquer sa fille. On l’accuse également d’avoir «discrédité» l’armée sur les réseaux sociaux. En mars 2023, Alexeï Moskalev est condamné à deux ans de prison. Après avoir tenté de fuir vers l’Europe, il est arrêté au Belarus en avril 2023, renvoyé en Russie et incarcéré. Pendant ce temps, Masha est d’abord placée dans un orphelinat, puis confiée à sa mère qu’elle n’avait pas vue depuis sept ans.
«Une véritable cellule de tortures»
«J’étais obligé de passer seize heures debout car, le matin, les lits étaient attachés au mur pour qu’on ne puisse pas s’allonger.» Après sa sortie de prison, Alexeï Moskalev témoigne auprès de l’ONG OVD-Info des conditions de détention particulièrement dures. Dès son arrivée, il est placé dans une cellule punitive, où il restera deux mois. «Une véritable cellule de torture, raconte-t-il dans une vidéo, décrivant un espace minuscule – dans lequel ils étaient deux – et infesté de rats. Les seuls vêtements que nous avions étaient ce haut, et c’est tout. Un tee-shirt sur mon corps nu», poursuit-il en insistant sur le froid qu’il juge indescriptible.
Comme d’autres opposants à la guerre, Alexeï a régulièrement été envoyé à l’isolement pour des raisons qualifiées de «fantaisistes» par l’ONG Première Division : ne pas avoir gardé les mains dans le dos lors des promenades ou s’être appuyé sur la table durant les repas, par exemple. Le quinquagénaire raconte également que les agents du FSB ont cherché, peu avant sa libération, un prétexte pour le maintenir en détention plus longtemps. «Ils ont interrogé tous mes codétenus pour essayer de me coller un autre crime», explique-t-il à OVD-Info.
Une répression qui s’intensifie
Le cas de Alexeï Moskalev n’est pas isolé. Un rapport de l’ONU publié en septembre souligne la dégradation des droits humains en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Il met en lumière l’escalade de la répression contre les voix dissidentes, que ce soit à travers des violences policières ou la censure des médias indépendants.
Parmi les cas mis en évidence par le rapport figure celui d’Artyom Kamardin, qui a été condamné à sept ans de prison pour avoir lu un poème antiguerre en public – un acte que les autorités ont considéré comme une «incitation à la haine». Autre méthode employée par le gouvernement pour faire taire la critique : l’introduction de cours obligatoires à l’école, qualifiés de «conversations importantes». Ces cours, destinés à inculquer la vision russe du conflit ukrainien aux enfants, sont imposés sous peine de sanctions. «Les enfants qui refusent d’assister à ces cours et leurs parents sont soumis à des pressions et à du harcèlement», indique le rapport.
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