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Professeur au Muséum national d’histoire naturelle, Marc-André Selosse invite à protéger la biodiversité à travers une sylviculture plus douce.
Rencontres, débats, concours photo… L’édition 2024 du forum «Naturellement !», organisé à Rouen par la fédération Biogée du 6 au 8 décembre 2024, aura pour thème «la forêt et l’humanité». Interview de Marc-André Selosse.
Le biologiste Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) préside la Fédération Biogée, qui organise «Naturellement, les journées du vivant et de la Terre» ce week-end à Rouen (événement dont Libération est partenaire). Il appelle à protéger les forêts… sans exclure de les exploiter, mais de façon durable.
Depuis quand l’humanité interagit-elle avec la forêt ?
Elle a toujours eu «un pied» en forêt, quand elle a eu la chance d’avoir assez de pluies pour en jouir. Mais les trajectoires culturelles sont variées. En Occident, nous avons défriché pour l’agriculture, laissant la forêt sur les sols les plus pauvres comme source de bois et lieu de cueillette (fruits, champignons), de chasse et aujourd’hui de loisir. Ailleurs, elle a été utilisée comme telle : plus d’un cinquième de la forêt amazonienne a abrité, au premier millénaire, des civilisations qui l’ont transformée en grands jardins, mêlant cultures et forêts ouvertes aux espèces diversifiées. Aujourd’hui, la consommation croissante des sociétés occidentalisées continue de détruire les forêts équatoriales, ici pour le palmier à huile, là pour la culture du soja destiné à nourrir les bovins, là encore pour le bois lui-même. Le Parlement européen vient de retarder l’application d’un règlement qui devait pénaliser les importations reposant sur de la déforestation ailleurs qu’en Europe.
La situation mondiale ne s’améliore donc pas pour les forêts…
Non, et le péril ne provient pas que de l’exploitation. Le changement climatique, réchauffement qui modifie la distribution des pluies, affaiblit les arbres. Cela facilite la prolifération de parasites, surtout ceux introduits (maladie de l’orme, chalarose du frêne, nématodes du pin…) à laquelle les espèces locales ne sont pas adaptées. En dix ans, dans notre pays, la mortalité des arbres a augmenté de 80 % et leur capacité à fixer du carbone a chuté d’un tiers. Pourtant, nous étudions les arbres et notre connaissance de leur écologie et de leur physiologie a fait de grands progrès : il y a là des méthodes pour agir !
Que préconisez-vous, faut-il sanctuariser les forêts ou les exploiter ?
Les deux ! Les réserves laissent proliférer les espèces sans perturbation par l’homme et protègent une biodiversité et des fonctions uniques : quand on ne récolte plus les très vieux arbres, une énorme diversité de décomposeurs revient sur leurs gros troncs morts et la fixation de carbone augmente. Ainsi, le projet de l’Association Francis Hallé de recréer une forêt primaire, non gérée, est très utile ! Ailleurs, il nous faut l’utiliser avec parcimonie… en maximisant sa durabilité. L’Office national des forêts (ONF) teste actuellement sur des parcelles (joliment appelées «îlots d’avenir») les espèces adaptées au climat de demain. Il nous faut surtout une sylviculture plus douce. Elle doit éviter la coupe à blanc, qui abîme les sols et ralentit la reprise. Et éviter de favoriser une seule espèce, on a vu ce que cela donne quand la forêt des Landes a brûlé, en 2022. L’idéal, c’est une forêt aux tiges d’âges et d’espèces variés, où les arbres sont exploités séparément à leur maturité. A l’image de la méthode prônée par l’association Pro Silva : cette gestion forestière améliore la productivité, la résistance aux tempêtes, aux sécheresses et aux maladies, mais aussi l’esthétique… Si on utilise notre savoir écologique pour la gérer, la forêt ne disparaîtra pas !
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