Espagne : un mois après les inondations, les habitants en plein désarroi

Espagne : un mois après les inondations, les habitants en plein désarroi

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Couteaux tirés

Un mois jour pour jour après la catastrophe qui a fait 230 morts dans la région de Valence, les sinistrés manifestent leur mécontentement face à la réponse tardive des secours et l’incurie politique des responsables espagnols.

«On n’a rien appris !» se plaignait ce vendredi 29 novembre sur la télévision publique la tenancière d’une boutique dévastée de l’artère principale de Paiporta, une des bourgades les plus touchées par les inondations du 29 octobre qui ont fait 230 morts dans le sud-est de l’Espagne. Dans le reportage, elle et plusieurs riverains tiennent le même discours : les secours sont arrivés, mais en nombre insuffisant. Et surtout ces agents, policiers, militaires et experts en catastrophes naturelles commencent déjà à se retirer alors que le déblayage est loin d’être terminé.

Partout, les images le montrent : de Chiva à Catarroja, en passant par Picanya ou Sedaví, de nombreuses rues sont encore entravées par des carcasses de véhicules, des centaines de garages débordent toujours de boue séchée, et plusieurs édifices présentent des risques d’écroulement. Sans parler des 120 000 véhicules détruits, des près de 60 000 enfants qui ne peuvent pas se rendre en cours, des rues encore impraticables… De ces dizaines de témoignages, un mois jour pour jour après le drame, émerge le sentiment que les affres de la «goutte froide» sont plus difficiles à affronter du fait des incapacités voire des négligences des responsables politiques. C’est pour le rappeler que manifestaient ce vendredi les habitants d’une dizaine de communes du sud de Valence dévastées par la «Dana» – acronyme espagnol pour «dépression isolée en haute altitude» ou goutte froide –, la pire du dernier demi-siècle. Histoire de répéter ce message lancinant, chargé de colère : les rivalités politiques sont responsables du manque voire de l’absence de coordination, ainsi que du manque d’efficacité des secours.

«Vos propos sont de nature putschiste»

A la différence de la pandémie de Covid, durant laquelle les aides gouvernementales aux entreprises avaient permis d’adoucir les disputes partisanes, la «Dana» sur Valence et ses environs a mis en exergue un climat délétère entre le pouvoir central détenu par les socialistes et l’opposition conservatrice, dont l’un des dirigeants est aux commandes de la région valencienne. «Le désarroi des populations affectées, qui se sentent seules le plus souvent, est le reflet d’une discorde et d’affrontements dans la sphère politique qui empêchent une bonne gestion collective de la catastrophe», éditorialise la Vanguardia.

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Au lieu de s’amoindrir, le conflit à couteaux tirés entre le libéral Alberto Núñez Feijóo et le chef du gouvernement, Pedro Sánchez, s’envenime. «Vous manquez d’humanité et d’humilité», reproche le premier au second, qui exige sa démission. «Vos propos sont de nature putschiste», rétorque au premier la numéro 2 de l’exécutif socialiste, María Jesús Montero. Depuis le premier jour, les conservateurs accusent le pouvoir central de ne pas avoir déclaré «l’Etat d’alerte nationale» et de ne pas avoir pris la direction des secours en main. Les socialistes, eux, estiment que la responsabilité pleine et entière revient au président régional libéral, Carlos Mazón. Il est reproché à ce dernier de ne pas avoir fait cas des alertes lancées par l’agence météorologique nationale, l’Aemet, ou par la Confédération hydrologique du Júcar. Et d’avoir averti les Valenciens via leurs portables autour de 20 heures, le jour fatidique, lorsque les communes aujourd’hui martyres étaient déjà sous les eaux.

«Il est vital que les aides annoncées se matérialisent au plus vite»

Rien ne semble apaiser la bronca. Ni le troisième «paquet d’aides» de 2,7 milliards d’euros – ce qui porte à 16,6 milliards d’euros le total versé. Ni les 20 000 fonctionnaires à pied d’œuvre pour les tâches de déblayage, de nettoyage et de reconstruction. Dans ce pays quasi-fédéral, où les régions jouissent d’amples prérogatives (notamment la gestion en cas de catastrophe naturelle), beaucoup se plaignent sur le terrain d’une absence de concertation et de coordination entre les différentes administrations. Exemple : elles se rejettent la responsabilité de la gestion du tout-à-l’égout. Or, dénoncent les ONG, l’essentiel de ces égouts sont bouchés et provoquent l’accumulation d’eaux souillées, représentant une réelle menace pour la santé publique. «Il est vital que les aides annoncées se matérialisent au plus vite», s’alarme l’Institut valencien des enquêtes économiques.

Désormais à la manœuvre, Pedro Sánchez est en outre affaibli par une conjoncture défavorable. Alors que ce week-end, le 41e congrès du Parti socialiste devrait consacrer son leadership, il est malmené par des affaires judiciaires : son épouse, Begoña Gómez, est mise en examen dans un conflit d’intérêts, et un entrepreneur jusqu’ici inconnu, Víctor de Aldama, accuse des ministres et des membres de son parti d’avoir bénéficié de ses faveurs financières en échange de contrats publics. Cette délicate situation fait les délices d’une droite qui, depuis deux ans, a fait de la chute du Premier ministre son principal objectif. Quitte à user des pires coups bas. Et sans pour l’instant y parvenir.

Libération

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