Arttu Tuominen, quand le passé de la Finlande refait surface

Après «le Serment» et «la Revanche», le romancier finlandais continue à fouiller les zones d’ombre de son pays, et notamment sa proximité passée avec les Nazis.

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Il a tout du vieillard charmant cet Albert Kangasharju, portant beau ses 97 ans, entouré par sa famille aimante, ses filles, ses petits-enfants et son infirmière, attentifs à son confort. Il fut banquier et vit maintenant dans sa maison de retraite, regardant couler les jours dans la petite ville finlandaise de Pori. Mais une nuit, le vieil homme est traîné dans le jardin par deux inconnus et sauvé in extremis d’une tentative d’assassinat. Très vite, dans la région, un autre homme du même âge est violemment agressé. Le commissaire Paloviita, l’inspecteur Oksman et son adjointe Linda enquêtent sans comprendre les raisons d’une telle brutalité. Il faudra chercher loin dans le passé pour découvrir la bonne piste. Un uniforme SS est retrouvé chez l’une des victimes et peu à peu, c’est la grande histoire qu’on préférait enterrer, une Finlande proche des Nazis qui se dessine.

En alternance, le romancier déplace son lecteur en 1941 en Ukraine et en 2019 à Pori. On suit les jeunes soldats finlandais se portant volontaires pour combattre Staline et «le démon bolchevique» dans les troupes de la Waffen-SS. Ils partent, la fleur au fusil, avant de se transformer en bouchers sanguinaires qui finiront par exécuter des centaines de familles juives. Albert et ses amis vivent dans le silence depuis quatre-vingts ans et ne sont pas les seniors innocents qu’ils veulent faire croire.

Arttu Tuominen ne plonge jamais dans le caricatural ni la leçon de morale pour construire ce roman formidable qui parle d’oubli, de pardon, de vengeance et de tabou national. Comme dans ses deux précédents romans, le Serment et la Revanche (tous deux en poche chez Points Policier), inscrits dans sa série Delta Noir, l’auteur s’occupe à dresser le portrait de son pays. Reconstitution sociale, politique, historique d’une société glaçante qui voit se développer le racisme, l’antisémitisme, la haine des homosexuels, les secrets d’un passé innommable. Son héros, Paloviita, est un flic patient, pétri de doutes et d’humanité, rongé par son passé. «Il avait porté toute sa vie ce fardeau, la culpabilité de la mort de sa sœur.» A travers ce héros modeste et faillible, le romancier passe du général au particulier, l’accompagnant vers ces fameux silences qui vont clore le roman. Il laisse le lecteur persuadé qu’un tel récit doit être lu et transmis au plus grand nombre.

Tous les silences, Arttu Tuominen, traduit du finnois par Claire Saint-Germain, éditions de la Martinière, 448 pp., 22 €.