L’édito d’Alexandra Schwartzbrod
En dialoguant avec l’extrême droite dans l’espoir d’y trouver son compte, le chef du gouvernement a commis une erreur fatale. Mais la stratégie du chaos risque fort de se retourner contre son inspiratrice.
Et si elle s’était trompée ? Et si cette décision de censurer le gouvernement Barnier, prise «en quelques dizaines de minutes», rapportons-nous, était une des plus mauvaises décisions politiques arrêtées par Marine Le Pen ? Objectivement, Michel Barnier était pour elle le Premier ministre idéal : il assurait le sale boulot, elle levait le pouce ou l’abaissait, faisant et défaisant à sa guise la feuille de route qu’il s’était fixée.
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Dès son entrée en fonction, l’ex-négociateur du Brexit avait fait savoir qu’il comptait entretenir les meilleures relations avec elle, n’hésitant pas si besoin à l’appeler personnellement pour désamorcer une crise. Des prévenances qu’il n’a jamais eues pour la gauche. Elle était en quelque sorte le vrai Premier ministre, dictant ses conditions et toisant du haut de son banc de l’Assemblée les ministres envoyés à Canossa. Et Barnier, qui est un bon gars, a cru que ce jeu-là allait durer assez longtemps pour que chacun y trouve son compte. Grossière erreur.
Il n’a pas perçu assez tôt à quel point il était dans sa main, elle lui réclamerait toujours davantage. Elle n’a pas compris qu’à trop l’humilier elle risquait de le braquer. Fragilisée par son procès et par le risque d’inéligibilité qui pèse sur elle, elle a joué le chaos. Sa base le lui réclamait, certes. Mais sa base ne lui suffira pas pour accéder à l’Elysée. Marine Le Pen aura besoin de tous les indécis ou les électeurs de droite déçus par LR, sensibles à l’image respectable qu’elle cherche à se forger depuis des années. En votant la censure, la cheffe du Rassemblement national revient à ses premières amours antisystème et risque de perdre ces électeurs-là.
Dans un contexte international déjà extrêmement préoccupant, précipiter à la veille des fêtes de fin d’année le pays dans une nouvelle période d’incertitudes politique, économique et financière, risque aussi d’être très impopulaire. Et de laisser des traces.
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