Dans une ville aussi grande que Paris, il est bon d’avoir des repères. Des adresses où l’on sait qu’on pourra toujours se poser ou donner un rendez-vous sans avoir à affronter des serveurs revêches, un niveau sonore assourdissant, des plats décongelés, un mauvais café. Les lieux évitant tous ces écueils sont une denrée rare, en particulier rive gauche. La métamorphose, en mai 2024, du Monaco, un rade du 13e arrondissement devenu un café-restaurant de qualité et accueillant, est donc une nouvelle d’autant plus réjouissante.
A l’angle des rues Vulpian et du Champ-de-l’Alouette, Le Monaco a gardé son nom, son immense baie vitrée et son enseigne lumineuse indiquant un débit de « Kro ». Les habitués reconnaîtront aussi le sol en terrazzo inchangé et le grand bar en Formica à l’entrée. Mais le plastique stratifié de ce dernier a été cerclé de chêne, comme celui des tables, ce qui leur confère un certain caractère.
Le nouveau propriétaire, Pierre Marfaing, qui possède aussi le Café de Mars, dans le 7e arrondissement, ne voulait pas gommer en entier l’héritage sixties, mais a dit adieu aux faux plafonds, à la déco chargée de paniers en osier, aux toiles cirées. Il a révélé le patrimoine XIXe de la salle avec son plafond haut perché et ses belles moulures – qu’il avait retrouvées couvertes d’une épaisse couche de tabac, elle aussi d’un autre siècle.
Quelques réminiscences britanniques
Le Monaco est ouvert tôt le matin. En semaine, on peut s’y installer dès 7 heures et, moyennant 3,50 euros, croquer dans un croissant, un cookie ou des tartines beurrées, en feuilletant un bouquin sur le design, de Vitra, ou une BD des Bidochon, mis à disposition. Le week-end, on peut faire durer le plaisir avec le brunch, qui propose à peu près tout ce qu’on attend d’un tel repas, du granola aux fruits au toast à l’avocat (avec de la feta et de la confiture de tomates), en passant par le full English breakfast. Le chef Matthew Ong est anglais. Il tenait autrefois le restaurant L’Entente, à Paris. Au Monaco, il saupoudre quelques réminiscences britanniques dans une carte bistrotière courte et de saison.
Trois (entrées), quatre (plats), trois (desserts), ça ressemble à une composition d’équipe de football, mais c’est aussi la formule efficace du dîner qui choie toutes les sensibilités, du végétarien au viandard. Pour commencer, le velouté de topinambours et anguille fumée joue habilement sur l’équilibre sucré-salé. Il ouvre aussi l’appétit pour l’assiette de fregola sarda qu’on imagine pleine de douceur.
Mais, quand la fourchette part à l’assaut de cette armée de pâtes de forme sphérique, elle récupère d’abord du roquefort, claque corsée qu’on n’avait pas du tout vue venir. Puis arrive une pistache, qui résiste sous la dent et dont la salinité titille les papilles. Le brocoli-rave, piquant et légèrement amer, achève la démonstration : sous son air débonnaire, ce plat de petites perles a du répondant. En dessert, la crème au fruit de la passion coiffée d’un crumble conclut l’affaire en beauté. Pas d’esbroufe, que du bon. Allez, tiens, avec le café, on va peut-être finir ce Bidochon commencé la semaine passée au petit déjeuner.
Fregola Sarda : 17 €. Monaco, 2, rue Vulpian, Paris 13e. Menu déjeuner à 20 €, carte le soir autour de 50 €.
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