Laure Adler ne connaît pas le vertige de “scroller” sur un canapé, de glisser sans fin sur les réseaux sociaux. Elle n’est “jamais” sur TikTok ou Instagram. Pourtant, elle y est présente une fois par semaine sur les réseaux sociaux de France Inter.
À 74 ans, l’ancienne directrice de France Culture, l’intervieweuse intimiste qui tutoyait Alain Delon, s’est inventé un nouveau métier. Booktokeuse sur TikTok, bookstagrameuse sur Instagram, elle est devenue une influenceuse littéraire, qui défend un livre en 90 secondes chrono.
Otage des algorithmes, l’ancienne diva de Radio France a trois secondes pour capter l’attention, sous peine d’être balayée par une concurrente née avec les smartphones. Seule de sa génération sur le créneau, elle rivalise avec des stars à 100 000 abonnés, telle Audrey Tribot, 27 ans, et son Souffle des mots, qui vante la young adults romance, les mangas et la fantasy.
Spécialiste de littérature blanche (la littérature générale, par opposition aux genres), Laure Adler s’est mise à la dark romance, de sombres récits où l’amour flirte avec l’interdit et la violence, ultra-populaires chez les jeunes filles. “Très intéressant”, assure celle qui suivait les cours de Michel Foucault et Jacques Derrida en 1968.
Coup de pouce
Chez Laure Adler et son compagnon, Alain Veinstein, ancien producteur et animateur de France Culture, pas d’ordinateurs, pas de câbles emmêlés ni de diodes clignotantes. Aucun écran, ni non plus de photo d’elle avec François Mitterrand, comme on s’attendrait à en voir chez celle qui fut la conseillère culturelle de l’ancien président, de 1989 à 1993.
“Je ne me regarde jamais et je m’en fiche !”, assure Laure Adler de sa voix lente et métallique, qu’elle n’aime pas entendre.
On lui présente sa dernière vidéo Instagram constellée de likes. Elle se lève brusquement en se bouchant les yeux : “Je ne veux pas le savoir”, supplie-t-elle, partagée entre le plaisir de se savoir écoutée et la peur de se perdre dans la foire aux vanités des réseaux sociaux. Elle ajoute : “Moi, influenceuse ? Je suis beaucoup trop vieille pour ça !” Elle se dit simple pigiste, comme à ses débuts à la Maison de la radio, dans les années 1970, ravie d’utiliser les réseaux sociaux comme “une petite fenêtre pour transmettre”.
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